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Ici, nous présentons un protocole pour l’obtention et la préparation d’allogreffes de main en composite vascularisé lors d’une transplantation distale ou proximale de l’avant-bras.
L’amputation d’un membre supérieur représente un véritable défi médical et chirurgical. Le traitement idéal doit restaurer la fonction, la sensation et l’image corporelle. À l’heure actuelle, ni les reconstructions traditionnelles, ni les prothèses ne répondent à tous ces critères. Cependant, les allogreffes composites vascularisées offrent une option unique pour restaurer la forme et la fonction de manière satisfaisante malgré une immunosuppression nocive.
Idéalement, le tissu du donneur est obtenu en excès pour être réparé sans tension. Le membre supérieur du donneur est obtenu par une incision en forme de bouche de poisson au niveau du milieu du bras. Ensuite, l’artère et la veine brachiales, le nerf médian, ulnaire et radial sont localisés et disséqués. Les muscles biceps, brachioradiaux et triceps sont sectionnés, puis une ostéotomie de l’humérus est effectuée au-dessus du coude. Pour la transplantation distale de l’avant-bras, le membre supérieur du donneur peut également être obtenu sous le coude en se désarticulant à travers l’articulation.
L’artère brachiale est canulée et le greffon est irrigué avec une solution de préservation. La préparation du greffon commence ensuite par deux incisions, antérieure et postérieure, pour soulever deux lambeaux cutanés latéraux. Un lambeau cutané médial expose la veine basilique, le nerf cutané antébrachial médial, les muscles épicondyliens médiaux, le nerf ulnaire, le nerf médian, l’artère brachiale et la veine. Un lambeau cutané latéral, comprenant la veine céphalique, le nerf cutané antébrachial latéral, le nerf radial jusqu’à sa division, le brachioradial et les muscles épicondyliens latéraux, complète la préparation du greffon. Dans le cas d’une transplantation, des guides de coupe sont fixés à la surface postérieure des deux os de l’avant-bras pour effectuer les ostéotomies.
Ce protocole présente une procédure systématisée pour l’obtention et la préparation d’une allogreffe composite d’avant-bras vascularisée afin d’assurer des résultats optimaux et de minimiser les lésions tissulaires lors de l’obtention.
Depuis la première transplantation de main réussie par Dubernard en 19981, la communauté médicale a fait beaucoup de recherches et a fait des progrès dans le domaine de l’allotransplantation composite vascularisée (AVC) des membres supérieurs. Le principal avantage est que le VCA offre une option unique pour restaurer la forme et la fonction par rapport aux prothèses ou aux reconstructionstraditionnelles2,3. Le VCA de la main est l’un des meilleurs exemples de VCA, comprenant de nombreux tissus divers : peau, neurovasculaire, os, cartilage et muscle4. À ce jour, il y a eu plus de greffes de membres supérieurs que tout autre type d’allotransplantation composite vascularisée5. Comme il existe quelques publications dans la littérature sur l’obtention et la préparation de la main VCA 6,7,8,9, nous avons simplifié le protocole et rassemblé les principales étapes de cette procédure.
La transplantation du membre supérieur est une procédure reconstructive complexe en plusieurs étapes où les répétitions chirurgicales peuvent réduire le temps d’ischémie et les complications 8,10,11,12. De plus, les greffes du membre supérieur doivent être obtenues avant l’obtention d’organes solides, et l’équipe d’approvisionnement des mains doit être formée et efficace pour s’assurer que les organes solides ne sont pas mis en danger 4,6,11,13. Par conséquent, il est nécessaire de disposer d’un protocole standardisé pour obtenir et préparer de manière fiable une allogreffe composite vascularisée du membre supérieur. Comme l’a dit le Dr Robert Acland, précurseur de la microchirurgie moderne, « la préparation est le seul raccourci dont vous avez besoin en chirurgie ».
Ce protocole détaille tous les processus, du positionnement à la fermeture du membre donneur lors d’une VCA du membre supérieur. Il explique les étapes à suivre pour obtenir le greffon au-dessus du coude ou dans un second temps par le coude. La préparation du membre obtenu est différente selon le niveau de transplantation : avant-bras proximal ou avant-bras distal. Les deux préparations sont décrites dans le présent protocole. Cette procédure détaillée vise à normaliser l’obtention et la préparation d’une allogreffe composite d’avant-bras vascularisée, qui présente un intérêt à la fois pour la recherche et les études translationnelles, ainsi que pour la pratique clinique, compte tenu du nombre croissant de greffes d’avant-bras afin d’assurer des résultats optimaux et de minimiser les lésions tissulaires.
Le Laboratoire d’anatomie de la Faculté de médecine de Nice, en France, a généreusement fourni les spécimens et le matériel utilisés pour l’étude. La Commission nationale d’éthique française a approuvé cette étude (numéro d’agrément 83.2024), qui a été menée à la suite de la Déclaration d’Helsinki.
1. Soins préopératoires
2. Approvisionnement du membre supérieur du donneur au-dessus du coude (transsection mi-humérale) (Figure 1)
Figure 1 : Milieu du bras avec nerfs, artère, veines et muscles transectés. (1) Nerf radial, (2) Artère et veine brachiale, (3) Nerf médian, (4) Nerf ulnaire, (5) Diaphyse humérique. Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
3. Emballage du greffon
4. Prise en charge du membre résiduel du donneur
5. Obtention d’un membre supérieur du donneur par le coude (transsection du coude)
REMARQUE : Mêmes soins préopératoires, avec le garrot à mi-bras.
6. Préparation du greffon pour la transplantation d’avant-bras proximal (Figure 2 et Figure 3)
REMARQUE : Étiquetez chaque structure avec un morceau rectangulaire de bandage Esmarch marqué avec des marqueurs à encre indélébile et fixé avec des sutures en soie 2-0 ou en titane stérilisé nommées étiquettes.
Figure 2 : Structures neurovasculaires au niveau de l’avant-bras proximal. (1) Nerf cutané antébrachial latéral, (2) Veine céphalique, (3) Nerf cutané antébrachial médial, (4) Veine basilique, (5) Nerf radial avec ses branches pour BR, ECRL, ECRB, branche motrice profonde et branche sensible superficielle dans une anse rouge, (6) Veines brachiales, (7) Artère brachiale, (8) Nerf médian, (9) Nerf ulnaire avec sa branche pour FCU, (10) Biceps brachial. Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
Figure 3 : Masse musculaire de l’avant-bras élevée. (1) Masse extensrice, (2) Brachioradialis, (3) Masse fléchisseuse, (4) Nerf radial, (5) Veines brachiales, (6) Artère brachiale, (7) Nerf médian, (8) Nerf ulnaire. Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
7. Préparation du greffon pour la transplantation distale de l’avant-bras (Figure 4 et Figure 5)
REMARQUE : Étiquetez chaque structure avec un morceau rectangulaire de bandage Esmarch marqué avec des marqueurs à encre indélébile et fixé avec des sutures en soie 2-0 ou en titane stérilisé nommées étiquettes.
Figure 4 : Tendons extenseurs disséqués : (1) APL, (2) EPB, (3) ECRL et ECRB, (4) EPL, (5) EIP, (6) EDC, (7) EDM, (8) ECU. Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
Figure 5 : Tendons fléchisseurs et faisceaux neurovasculaires disséqués. (1) Branche sensorielle radiale, (2) Veine céphalique, (3) Nerf cutané antébrachial médial, (4) Veine basilique, (5) Artère radiale, (6) Artère interosseuse antérieure, (7) Nerf médian, (8) Nerf ulnaire avec sa branche sensible dorsale, (9) Artère ulnaire, (10) FCR, (11) FCU, (12) FPL, (13) FDS, (14) FDP. Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
À la fin de ce protocole, le membre donneur doit être prêt pour la transplantation sur le membre résiduel récepteur. Le radius et le cubitus sont suffisamment exposés pour l’ostéosynthèse avec une plaque de compression verrouillable de 3,5 mm, un radius distal verrouillable palmaire de14, 15, 16 ou 2,7 mm et des plaques cubitus en greffe distale de l’avant-bras. Les artères brachiale ou radiale et ulnaire sont disséquées en fonction du niveau, permettant une anastomose artérielle. Les veines profondes et superficielles sont également isolées, et la première anastomose doit se faire sur le système veineux dominant17. Les tendons donneurs sont disséqués suffisamment longtemps pour être réparés avec la technique de tissage Pulvertaft14 ou une ténorraphie latérale « brune » à armure simple18,19. Dans la transplantation proximale, la masse fléchisseuse, la liasse mobile et la masse extensrice sont fixées aux épicondyles du receveur par des sutures transosseuses20 ou boneanchor16. Les nerfs sont suffisamment disséqués pour permettre une réparation sans tension11. Enfin, les deux lambeaux cutanés s’interdigiteront avec les lambeaux palmaire et dorsal du membre résiduel receveur pour accueillir l’œdème postopératoire, prévenant ainsi la constriction et la contracture cicatricielle au site de fermeture21.
Lors de la dissection de six greffons, nous avons mesuré à l’aide d’un pied à coulisse les dimensions de tous les vaisseaux et nerfs éligibles à l’anastomose. Pour le niveau proximal de l’avant-bras, nous avons trouvé le diamètre moyen suivant (moyenne ± ET) : artère brachiale 5,17 ± 0,85 mm, veine brachiale 3,75 ± 0,95 mm, veine céphalique 2,67 ± 0,79 mm, veine basilique 2,25 ± 0,07 mm, branche nerveuse radiale à brachioradiale 0,84 ± 0,25 mm, branche profonde du nerf radial 2,5 ± 0,54 mm, branche sensible du nerf radial 2,34 ± 0,51 mm, nerf médian 6 ± 0,82 mm, nerf ulnaire 4,75 ± 0,50 mm, nerf cutané antébrachial médial 3 ± 0,82 mm, nerf cutané antébrachial latéral 2,34 ± 0,48 mm.
Figure 6 : Diamètres moyens (en mm) des vaisseaux et des nerfs d’intérêt au niveau de l’avant-bras proximal (BR = brachioradialis, RN = nerf radial). Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
Pour le niveau distal de l’avant-bras, nous avons trouvé le diamètre moyen suivant (moyenne ± ET) : artère radiale 4 ± 0,41 mm, artère cubitale 4,25 ± 0,50 mm, veine céphalique 1,88 ± 0,25 mm, veine basilique 1,25 ± 0,50 mm, branche sensible du nerf radial 2,08 ± 0,25 mm, nerf médian 4,5 ± 0,58 mm, nerf cubital 4 ± 0,82 mm.
Figure 7 : Diamètres moyens (en mm) des vaisseaux et nerfs d’intérêt au niveau de l’avant-bras distal (RN = nerf radial). Veuillez cliquer ici pour voir une version agrandie de cette figure.
En 2022, une revue systématique des résultats de l’allotransplantation de la main par Wells et al.2 a révélé les résultats suivants : Avec 96 patients recevant 148 greffes de la main, dont au moins 98 au niveau de l’avant-bras ou du poignet, le taux de réussite de la greffe était de 89,2 %. Pour les résultats fonctionnels, les scores DASH ont significativement diminué (P < 0,001) après la greffe de main. Les scores d’invalidité postopératoire pour les greffes distales (médiane, 16 ; IQR, 31,8) étaient significativement inférieurs à ceux des greffes proximales (médiane, 38,5 ; IQR, 36 ; P = 0,035).
Dans la littérature, de multiples cas rapportés de transplantation proximale et distale de l’avant-bras montrent globalement une bonne évolution clinique des patients. Ce protocole décrivait les prélèvements au-dessus du coude (transection mi-humérale) pour la transplantation proximale16 et à travers le coude (désarticulation du coude) pour la transplantation distale22.
Ce protocole présente quelques étapes critiques. Tout d’abord, les incisions du lambeau cutané sont marquées. L’objectif est de bien assortir les lambeaux pour assurer une quantité suffisante de tissu pour se refermer sur les anastomoses tendineuses volumineuses sans surplus de peau, ce qui peut entraîner une adaptation cutanée volumineuse. De plus, la perfusion distale de la pointe des rabats doit être assurée. Pour aider à cette planification chirurgicale, la stéréophotogrammétrie tridimensionnelle (3D) et les guides d’incision cutanée imprimés en 3D peuvent être utiles, comme l’ont décrit Hummelink et al.23. Le nerf radial doit être transecté proximal à ses branches pour le BR, l’ECRL et l’ECRB pour la transplantation proximale. Cela permet une anastomose ciblée au niveau de la branche plutôt qu’une anastomose du nerf radial au niveau du tronc proximal, ce qui permet de réduire la perte axonale entre les faisceaux sensoriels et moteurs. De plus, la distance de réinnervation sera diminuéede 21,24.
La réparation du nerf radial dépend du niveau d’amputation initiale. L’anastomose peut être réalisée directement sur la branche radiale sensorielle et la branche radiale interosseuse postérieure motrice14.
Un autre piège est lors de la préparation à une greffe d’avant-bras distale. L’artère interosseuse antérieure doit être soigneusement identifiée lors de l’exposition du radius distal et du cubitus car une anastomose est possible. Cela permet au greffon de s’appuyer sur trois artères principales au lieu de deux1.
Deux méthodes d’approvisionnement sont décrites dans la littérature. La première est l’approche de l’équipe du Massachusetts General Hospital (MGH), où la préparation avec dissection détaillée des structures est réalisée in situ sur le donneur avant un lâchertage de garrot (20 min pour 2 h de dissection), permettant une reperfusion. La deuxième méthode est l’approche « cut and run » de l’Université de Pennsylvanie (Penn). Dans ce cas, l’approvisionnement est très rapide. En 20 min, toute la préparation est faite après le transport à l’hôpital receveur8. Le principal avantage de la méthode MGH est qu’elle réduit le temps d’ischémie pour l’ensemble du cas. Au cours de l’approvisionnement, l’artère brachiale et les veines doivent être disséquées mais pas ligaturées avant la fin de la période de reperfusion18. Le principal problème est l’aspect logistique avec les équipes SOT qui attendent et le risque de compromettre la viabilité des organes solides si le donneur devientinstable11. En comparaison, la méthode Penn permet un approvisionnement rapide et n’empêche pas les équipes supplémentaires pour le prélèvement d’organes. Cependant, le temps d’ischémie commence au gonflage du garrot25.
Les deux niveaux d’approvisionnement décrits dans ce protocole sont possibles pour la transplantation d’avant-bras proximal. Soit au-dessus du coude au niveau moyen de l’humérus 6,14,19,21 ou le coude 26. Cependant, dans le cas d’une désarticulation du coude, certaines étapes de dissection doivent être ajustées : la dissection nerveuse doit être proximale aux branches motrices des nerfs principaux. De plus, la masse fléchisseuse et extensrice doit être respectée et élevée dans un plan sous-périosté plutôt que transectée comme dans une greffe distale d’avant-bras16,26. Cette modification permet la préservation de l’ensemble des unités fonctionnelles musculo-tendineuses essentielles à la transplantation proximale de l’avant-bras.
Concernant la préparation du greffon, il existe de grandes différences en fonction du niveau de transplantation. Dans la transplantation distale, l’inconvénient anatomique, par rapport à la transplantation proximale, est que chaque tendon fléchisseur et extenseur est disséqué et réparé individuellement. Cependant, une amplitude de mouvement active précoce peut être initiée en toute sécurité, et il n’y a pas de retard dû à la réinnervation des fléchisseurs/extenseurs, permettant une bonne fonction tôt après la chirurgie 4,14.
Après des transplantations à des niveaux plus proximaux, le résultat est moins cohérent et apparaît plus tard20,27. La principale différence est la réinnervation à une plus grande distance du muscle intrinsèque. Cette distance provoque une inhibition progressive de la régénération nerveuse et altère la fonction 16,24,26.
Ce protocole présente quelques limites car la recherche a été faite sur des cadavres et non sur un donneur décédé et est basé sur notre expérience à Nice (France). De plus, le niveau d’amputation peut varier sur le membre résiduel receveur, et la préparation de la greffe peut être modifiée selon le protocole décrit ici.
Les auteurs n’ont aucune divulgation.
Les auteurs tiennent à remercier les personnes qui ont fait don de leur corps pour faciliter la recherche anatomique.
Name | Company | Catalog Number | Comments |
11.5” medium premium surgiclip II auto suture vessel clip applier | Covidien | ||
2-0 silk suture | N/A | N/A | |
Adson forceps | MPM | 106-2112A | |
Bipolar coagulation forceps | Olsen | 20-1320I | |
Custodiol HTK solution for limb perfusion | Essential Pharmaceuticals Inc. | off-label use | |
Cysto/Bladder irrigation set | Baxter Healthcare Corp. | 2C4040 | |
Disposable scalpel #15 | Sklar | ||
DLP 3 mm vessel cannula blunt tip | Medtronic Inc | https://www.medline.com/product/Medtronic-DLP-Vessel-Cannulae/Cannulas-Tubing/Z05-PF24250?question=vessel%20cannula | |
Fine needle cautery | Cormedica | ||
Forceps dilators | WPI | 15910 | |
IV stopcock | N/A | N/A | |
Micro scissors | WPI | 504492 | |
Monopolar diathermy | Medtronic Inc | Valleylab | |
Oscillating saw | GPC Medical | https://www.gpcmedical.com/1015/BTD1138/battery-operated-oscillating-saw.html | |
Saline solution 0,9% | GenDepot | S0600-101 | |
Sterile Esmarch bandage | N/A | N/A | |
Sterile indelible ink markers | N/A | N/A | |
Strabismus scissors | Surtex | 102-4109 | |
Surgical marking pen | Cardinal health | 212PR | |
Sutures Ethilon 4.0 | Ethicon | 1667G | |
Syringue 10 mL | Agilent | 9301-6474 | |
Three sterile procurement plastic bags, and three sterile zip ties | N/A | N/A | |
Tissue forceps | MPM | 106-0511 | |
Vessel loop | Deroyal | 30-711 |
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